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Le blog Citoyen

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POST TENEBRAS LUX


Il était une fois le Makhzen (suite et fin ...)

Publié par Karim R'Bati sur 22 Février 2012, 19:21pm

Catégories : #POLITIQUE

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Qui l’eût cru ? Il y’a un an, lever des slogans qui exprimaient les aspirations du peuple marocain à la dignité, à la justice sociale, à l’égalité devant la loi et à la poursuite de ceux qui sont considérés comme les symboles du despotisme et de la corruption était perçu par l’élite périmée du Makhzen comme une menace contre la «stabilité» du régime. Il y a à peine une année, appeler à la fin du Makhzen et à l’instauration d’une monarchie parlementaire où le roi règne, sans gouverner, était considéré comme un crime de lèse-majesté par cette même élite -  mais une utopie révolutionnaire à portée de main pour les jeunes du mouvement du 20 février.
Pour la première fois, sous le règne dit de la «Nouvelle ère», le trône a tremblé et les murailles du palais royal se sont fissurées sous l’effet de l’onde de choc des appels assourdissants du peuple marocain pour un changement radical du régime - ou de régime, c’est selon ! On connaît la suite … Il en est sorti une constitution qui dépoussière le despotisme et - comble de l’imposture - le présente même comme une avancée, à tel point que la commission Mannouni l’a rendu presque invisible derrière quelques professions de foi droit-de-l’hommistes, aussitôt exprimées, aussitôt contredites dans les faits : soit dans la même constitution, au nom des prétendues «constantes» du Royaume, soit dans les pratiques répressives d’un autre âge, par ailleurs, toujours persistantes jusqu’à aujourd’hui.
Mais qu’on se rassure, rien n’est absolu, rien n’est définitif et si certains décideurs au sein de l’appareil d’état makhzanien croient s’être tirés d’affaire à bon compte, ils se  trompent lourdement. Nombre d’observateurs, plus circonspects, font le constat de l’ouverture irrévocable de la boite de pandore. Désormais, rien ni personne ne sauraient arrêter l’élan de tout un peuple et, encore moins, le mouvement de l’histoire. Tout au plus, cette même élite périmée pourrait-elle contrarier cet élan, le ralentir ou, pire encore, le dérailler vers une destination inconnue, ce qui ne ferait que précipiter la chute du régime. Mais en aucun cas, elle ne pourrait aller à contre-courant de la logique de l’histoire.
Le Makhzen pourrait même, à terme, constituer un réel danger pour les Marocains, une grave menace à la cohésion de la nation marocaine, à force de flirter avec les forces les plus rétrogrades, les plus obscurantistes, les plus sectaires pour assurer sa survie dans un monde en perpétuel devenir et sur lequel il n’a aucune influence. Mais à moyen terme, on sait pertinemment que le despotisme makhzanien est voué à disparaître, à l’instar des antiques moyens de locomotion : comme les chameaux, les ânes et les carrosses. À quoi bon voyager, de nos jours, à dos d’âne ou à dos de chameaux, quant on peut prendre le bus ou le train ? Et à quoi bon se résoudre à vivre sous une dictature tyrannique, qui prétend régner sur un peuple de serviles-Sujets, dans un monde de peuples libres et souverains ?
Irréformable au regard des exigences des temps modernes et des aspirations légitimes des Marocains, le Makhzen est par nature condamné à évoluer en cercle vicieux tel un serpent qui se mord la queue. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler son hostilité à toute ouverture démocratique tout au long des onze années et quelques mois qui ont précédé ce fameux jour du 20 février 2011 où beaucoup de choses ont changé depuis. Bien avant, dès les lendemains de la mort d’Hassan II, il y eut trop de promesses, trop d’illusions, trop d’indulgences pour un nouveau règne qu’on nous expliquait menacé par une vieille- garde hostile. On nous faisait craindre le pire; ce faisant, ce nouveau règne n’avait rien changé à sa nature despotique d’avant, ni manifesté aucune réelle volonté de réforme. Les abus de pouvoirs, la corruption et autres dérives liberticides, se sont poursuivis à un rythme soutenu, particulièrement à la suite des attentats terroristes de 2003.
Ce n’est qu’avec l’avènement du printemps arabe et, faut-il le rappeler ?, sous la pression des manifestations du mouvement du 20 février, que le régime s’est tout d’un coup senti acculé, contraint et forcé de faire des promesses - dont on peut mesurer, aujourd’hui, le degrés de correspondance avec la version définitive de la constitution octroyée. Pour autant, ce que le régime marocain n’a pas saisi, c’est que, aujourd’hui, la donne a totalement changé, le contexte géopolitique est celui des révolutions des peuples du monde arabe, il n’est plus celui de la continuité sous d’autres formes des mêmes dictatures, aux lourds passifs répressifs, il est au changement total, radical et profond. Par ailleurs, nous abordons un nouveau cycle d’histoire où les régimes dictatoriaux, de moins en moins nombreux de par le monde, tombent les uns après les autres sous la pression de leurs peuples. Beaucoup de militants du mouvement du 20 février ont bien compris cette nouvelle donne et ses implications, présentes et futures, sur le Maroc. Et c’est cette même prise de conscience qu’ils ont essayé de traduire dans leurs revendications, même s’ils l’ont exprimé, le plus souvent, par des moyens détournés, en raison de la répression féroce qui s’est abattue sur eux.
Dans un de mes anciens articles (voir lien en annexe), j’ai essayé d’établir le lien dialectique entre corruption et despotisme, pour conclure à la vraie signification du fameux slogan populaire «Le peuple veut en finir avec la corruption» (الشَّعبُ يُرِيدُ إِسقاطَ الفَساد). Cela dit, l’intelligence collective des Marocains, établit avec évidence ce lien. Pour ces derniers, la corruption, étant consubstantielle au despotisme, appeler ouvertement à la fin de l’une revient à appeler implicitement à la fin de l’autre, puisqu’«éliminer la corruption implique, de facto, l’élimination de l’une des conditions essentielles d'existence de ce régime despotique, lequel n'aurait aucune chance de survivre à l’amputation de l’un de ses organes vitaux.»
Peut- être, espérons-le, de plus en plus de Marocains auront saisi ce lien dialectique. Mais il convient surtout de retenir les enseignements des événements qu’a connus le Maroc en 2011 : d’abord, jamais le régime ne se réformera de lui-même, c’est une évidence. S’il en est ainsi, c’est parce qu’il est irréformable, comme je l’ai dit plus haut, et parce qu’il n’entreprend de réformes, comme celles en trompe-l’œil qu’il a engagées en 2011, que s’il est sous pression de la rue. Par conséquent, seule la volonté du peuple, quant-elle aura atteint la masse critique requise, pourra en venir à bout du despotisme. Dans l’intervalle, plus la pression sera maintenue et plus elle prendra de l’ampleur, plus le régime fera en sorte de sauver sa peau par tous les subterfuges et par toutes les ruses y compris celle de l’offre d’une monarchie parlementaire en guise d’ultime recours. En d’autres termes, élever le plafond des revendications incitera toujours l’adversaire à offrir moins que ce plafond, alors autant l'élever au maximum et on verra, dans ce cas, la «bonne foi» du régime, s’il tiendra ses promesses ou s'il tiendra tout cours !
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Karim Ribat : Outlandish, le 22 février 2012

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Voir ce lien :  http://libres-pensees.dans.le-vent.over-blog.com/article-que-veut-le-peuple-petite-contribution-a-la-clarification-du-sens-de-la-volonte-du-peuple-marocain-95390809.html

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