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Le blog Citoyen

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POST TENEBRAS LUX


«Parlement de l’ombre et parlement de façade» (Notes sur une institution dévoyée)

Publié par Karim R'Bati sur 27 Novembre 2012, 00:01am

Catégories : #POLITIQUE

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Nos sympathiques «Nouwâb Al-Oumma» donnent souvent l’impression de se trouver dans l’enceinte du parlement marocain comme par pur hasard, à leur corps défendant, contraints et forcés d’y rester des heures et des heures au détriment de leur «bien-être personnel», juste pour faire bonne figure devant les caméras. Même s’ils sont grassement rémunérés par l’argent des contribuables, même s’ils sont gâtés par toutes sortes d’avantages, nos députés laissent entendre par leurs faits et gestes qu’ils ne sont pas là pour représenter leurs électeurs, mais plutôt leurs propres intérêts ou, encore, ceux des directions de leurs formations politiques.
Ainsi, dès qu’ils ne sont plus dans la ligne de mire des objectifs des photographes ou dès qu’ils ne se sentent plus filmés, ils n’hésitent pas à prendre leurs aises comme s’ils étaient chez eux : certains s’assoupissent en pleine séance, d’autres arrivent en retard légèrement éméchés, d’autres encore enlèvent carrément leurs chaussures ou jouent aux cartes sur leurs tablettes iPad, quant ils ne s’amusent pas à médire sur leurs collègues du camp adverse. Sans oublier les absentéistes notoires ou, encore, ces spécialistes de l’art de la «’Amra f’kawya», qui tout en étant physiquement présents profitent de la première occasion pour s’éclipser, au beau milieu des débats, pour aller se retrouver à la cafétéria du parlement.
Pourtant, loin d’être une fidèle représentation de la seule institution où est censée s’exprimer la volonté des Marocains, c’est pour le moins l’image qui nous en parvient au travers des médias, audiovisuels ou écrits. Mais au-delà de cette imagerie caricaturale qui porte atteinte à une institution qui mériterait tout notre respect, c’est moins son sens obvie qui devrait nous interpeler que l’intentionnalité cachée derrière sa diffusion. En général, les Citoyens marocains ne sont pas dupes et savent pertinemment que derrière ces images caricaturales se cache la petite guéguerre que les partis  corrompus du Makhzen se livrent les uns aux autres, souvent pour faire illusion.
Mais ce n’est pas tout, cette même guéguerre cache, à son tour, une autre lutte, sourde celle-là, entre deux catégories de légitimité : celle du Peuple-Souverain contre celle de la monarchie et cette lutte oppose, dans l’enceinte de notre «barlamân», certains députés intègres qui font leur travail plus ou moins correctement (et ça existe !) contre ceux issus des partis du Makhzen ou qui ont été récupérés par celui-ci. Comme les coulisses d’un tel affrontement ne nous sont accessibles que par leurs conséquences visibles à l’œil nu, il est permis de conclure que la corruption et autres méthodes de pression ou d’intimidation sur les députés sont trop fortes pour que la volonté du peuple puisse triompher, à l'intérieur de l'enceinte du parlement.
Au Maroc, quand on évoque le pouvoir exécutif, on fait souvent référence à un gouvernement de façade (issu de la volonté du peuple), mais placé sous l’observation, ou plutôt sous le contrôle d’un gouvernement de l’ombre composé de conseillers et de ministres-délégués, incarnation plus ou moins affichée de la volonté de l’institution monarchique. Or cette structure schizomorphe est aussi à l'œuvre au sein du parlement où, comme on l'a dit plus haut, s’affrontent ses deux volontés. Paradoxalement, le lieu où est censé s’affirmer la volonté des Marocains est aussi celui où cette même volonté s’en trouve torpillée par ceux-là même qui prétendent l’incarner.
En d’autres termes, une  majorité plus ou moins écrasante (pour ne pas dire tous) de nos députés ne revendique la légitimité du vote populaire que pour la sacrifier sur l’autel d’une contre-volonté populaire. Par ailleurs, tout comme les critiques, la calomnie et la caricature de l’action du gouvernement élu sert, en quelque sorte, à le discréditer pour mieux légitimer l’institution monarchique, une certaine représentation caricaturale de la vie parlementaire participe indubitablement du même ressort.
D’ailleurs, pour précision, il n’existe dans la constitution marocaine aucune mention de nos députés en tant que représentants du peuple ou des Citoyens. De fait, ils y sont désignés comme «Nouwâb Al-Oumma» (représentants de la communauté des fidèles). Il est vrai que la version française de la loi fondamentale, parle de «Représentants de la nation», mais la tournure française est une solution traductologique de commodité plutôt qu’une traduction fidèle ; étant donné que l’arrière-plan sémantique de «Oumma» n’a rien à voir avec celui de «Nation» … Mais, là, c’est un autre débat !
Karim R’Bati, Lugano, le 27 novembre 2012
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