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Le blog Citoyen

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POST TENEBRAS LUX


Plaidoyer pour Mou’ad Belghouat : artiste engagé et prisonnier d’opinion

Publié par Karim R'Bati sur 22 Avril 2012, 15:52pm

Catégories : #POLITIQUE

Le procès du rappeur casablancais Mou’ad Belghrouat, dit El-Haqed (l'Indigné),  une des voix les plus acides du mouvement du 20 février, vient de prendre un tournant pour le moins désagréable pour le régime marocain, avec l’entrée en ligne de Humain Right Watch (HRW). L'organisation humanitaire a pris fait et cause pour le rappeur et, comme son rôle consiste précisément  à défendre les droits de l’homme et à dénoncer les atteintes aux libertés fondamentales dans le monde, c’est à ce titre qu’elle est intervenue dans l’affaire considérant que le cas de Mou’ad : « relève de la liberté d’expression pure et simple ! ». Au royaume du mélange des genres, voilà qui a le mérite de la clarté !
En effet, en traduisant Mou'ad devant la justice pour un délit fallacieux, en l’occurrence un vulgaire montage vidéo dont il n'est pas responsable pénalement parlant, le Makhzen marocain commet un de ses impaires dont il est le seul à en connaître le secret. Ce faisant, un minimum de cohérence devra inciter la justice marocaine à juger, en toute logique, Mou’ad non plus sur l’usage qui est fait, à son insu, de ses chansons subversives, ce dont il n’est aucunement responsable, mais plutôt sur leurs significations, sur le sens des mots, en vue de déterminer en quoi constituerait-il un «outrage à corps constitué», selon la formulation consacrée de l'acte d'accusation ?
Qu’il y ait une intentionnalité susceptible d’être attribuée ou imputée à Mou’ad, elle ne saurait être rattachée à un photomontage approximatif ni à un quelconque bidouillage informatique, qui plus est, anonyme. Ce n’est pas sérieux et c’est même indigne d’une justice qui aspire à l’indépendance, à la confiance des citoyens marocains et au respect des instances internationales. Si cette justice peut prétendre à un minimum de cohérence, elle aura intérêt, à un moment ou à un autre, à juger Mou’ad sur le contenu de ses chansons, sur les propos qu’il y tient. Mais, au-delà de la charge retenue contre celui-ci, de quoi s’agit-il au juste ? Il s’agit, essentiellement, de liberté d’opinion. Mieux encore, il s’agit de juger une libre création artistique d'un poète engagé, sous un régime despotique qui promeut la culture de la servilité et l’art médiocre des bigots.
Autrement dit, c’est dans les textes de ses compositions que se situe l’intentionnalité de Mou’ad, libre ou outrageante, audacieuse ou impertinente. Et c’est à travers son verbe corrosif que sa responsabilité juridique d’auteur pourrait être engagée et nulle part ailleurs. De telle sorte que, au fur et à mesure,  cette même justice risque bien de s’aventurer sur le terrain glissant du genre «procès politique», avec tout ce cela impliquerait en termes de mobilisations citoyennes de soutien au «rossignol du 20 février», en termes de mauvaise publicité pour le régime marocain et pour sa justice (in) dépendante, mais aussi en termes mauvaises appréciations des instances internationales chargées d’évaluer la situation des droits de l’homme et de la liberté d’expression au Maroc.
Plus que cela, si la justice marocaine poursuit sa descente aux enfers, on s’attend surtout à ce que le procès vire au cauchemar kafkaïen où il sera question, entre avocats et procureurs de démêler le vrai du faux : de prouver en quoi les propos de Mou’ad sur ces «corps constitués» ou sur l’élite prédatrice relèvent de la stricte vérité ou du crime de lèse-majesté, de statuer sur la vérité ou la non vérité des faits de corruption et de népotisme attribués à l’élite dirigeante du pays. Et, pour compléter le tableau, la cours de justice aura surtout à trancher dans le vif entre l’intentionnalité individuelle du rappeur et la part de la conscience collective, ce génie populaire des Marocains que Mou’ad n’a fait que traduire selon les règles de son art et avec le talent qui est le sien.
Enfin, peu importe l’issue du procès, le Makhzen perdra inévitablement la face. Il y laissera quelques plumes, c’est certain. Quelle que soit la peine qui sera infligée à Mou’ad, dans le cadre de ce procès politique, sur le plan du symbole, c’est l’artiste engagé, c'est le poète accompli qui risque d’en sortir gagnant. Des millions de Marocaines et de Marocains lui seront reconnaissants d’avoir porté haut et fort l’étendard du peuple et la voix des sans-voix. Gageons que Sa Majesté Le Peuple, dans toute sa splendeur, sera présent à ce procès et qu’à l’issue de celui-ci, Mou’ad réanimera, encore une fois, la flamme des vingt-févrieristes, comme le faisait il n’y a pas longtemps Younes Belkhedim, l’autre prisonnier d’opinion du mouvement du 20 février et comme d’autres encore. Le rappeur se tournera en direction de la foule immense venue l’acclamer et - ultime pied de nez au Makhzen - il scandera son refrain préféré  … « Vive Le Peuple ! »
Karim R'Bati: Zurich, le 20 avril 2012
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